INTERVIEW DU FANZINE PULSES-ARTS

 

LUC ARTENO ET SES GUITARES

Pulses-Arts - Quand on vient pour la première fois à l'un de tes concerts, la chose qui interpelle le plus, c'est le nombre de guitares qu'il y a pour toi tout seul ! Tu expliques ça comment ?

Luc Arténo - C'est vrai que se pointer avec 7 instruments pour un seul-en-scène et, en plus avec un backline assez conséquent, ça surprend même les organisateurs qui parfois me demandent "si je joue tout seul ce soir". En fait tous mes instruments sont préparés pour des techniques de jeux bien précises. Leurs accordages sont différents, ce qui implique d'avoir autant d'instruments préréglés sur scène pour jouer mon répertoire.

Pulses-Arts - Est-ce que tu peux être plus précis sur les techniques que tu utilises ?

Luc Arténo - Oh là ! Expliquer rapidement la progression technique de 30 ans de guitare, c'est un peu chaud ! Je me lancerai peut-être dans un bouquin là-dessus un jour, mais là !

Disons que j'ai adopté un concept de création autour des accordages spéciaux pour la majorité des mes oeuvres. Depuis le début, et comme j'étais un autodidacte, j'ai transgressé le tabou de l'accordage classique "mi, la ré, sol, si, mi", pour me tourner vers un accordage d'instrument qui, joué à vide, sonne comme un accord, même bizaroïde.

Les open-tuning (accords ouverts) des bluesmen sont très répandus dans la musique américaine. Il faut bien comprendre que les divers instruments à cordes du monde se sont, au fil du temps, inspirés les uns les autres. Si la Renaissance et les débuts de la musique savante donnaient à la guitare la possibilité d'être un instrument complet qui offre la meilleure ergonomie avec un accordage "mi,la,ré,sol,si,mi" , un peu plus tard, sur le continent américain, le banjo influencera les musiciens guitaristes pour l'open de sol (G) et la mandoline et le violon pour l'open de ré (D) .

Les musiques folkloriques et populaires sont avant tout des musiques modales où l'on n'exploite que quelques tonalités. C'est pourquoi l'accordéon ou l'harmonica diatonique feront fureur. Si vous prenez une mandoline qui est accordée comme un violon et que vous baladez vos doigts sur les cinq premières cases du manche en égrenant les quatre doubles cordes, vous entendez tout naturellement des bribes de la musique celtique et de la country qui se joue souvent sur une base de ré .

L'ergonomie qu'offre un accordage va être déterminante pour l'approche que vous faites de l'instrument. Et donc, moi j'en ai fait un concept. La contrainte de connaître plusieurs accordages demande une bonne mémoire des différents doigtés. Par contre, pour une musique modale comme je la pratique, j'optimise mon instrument. Je peux exploiter mes tonalités plus en profondeur et les amener à une très grande richesse, et puis, bien sûr, j'obtiens des ergonomies plus adaptées pour mes jeux slide.

Pulses-Arts –Justement, peux-tu nous parler du slide-guitar qui est reconnu comme une de tes disciplines favorites ? Certains disent que tu es même excellent dans le genre.

Luc Arténo - Ah oui merci ! Le slide contribue d'ailleurs largement au nombre d'instruments qu'il y a sur scène. J'utilise différentes techniques. D'abord sur mes deux guitares folk dont les cordes sont réglées pas trop près du manche, je joue avec un bottleneck en verre épais, placé sur l'auriculaire pour un jeu mixte picking/slide. Je n'utilise pas d'onglet sur la main droite (je suis droitier !), je préfère les nuances obtenues avec la pulpe des doigts.

Pour la douze cordes, je joue au médiator et utilise, comme sur l'électrique, des tubes chromés si je veux faire du slide, ce qui est rare sur la douze cordes.

Pour la guitare à résonateur en métal ou communément appelé "dobro", c'est la même technique que pour mes folks conventionnelles, mais j'utilise aussi parfois un E-Bow main droite.

Pour mon lap-slide qui est en fait une guitare modifiée, c'est-à-dire cordes à 1 cm du manche et plaque de rosace équipée d'un capteur, je joue soit avec un tube en céramique lourde vitrifiée, soit avec un tube concave en bronze pour les grosses rythmiques, soit avec un tone-bar bois/métal.

Pour mon lap-steel branché sur un mesaboogie, j'utilise un classique SP2 tone-bar, pour un jeu électrique saturé ou des sons aériens.

Les programmations que j'expérimente sur mes processeurs d'effets et autres pédales, influent sur mes techniques de jeux qui une fois abouties, donnent des matières sonores assez délirantes, comme dans "Enfer et damnation " où l'intro au slide-archet fait penser à des ensembles d'orchestre et où le hammering arrière au slide joue la mélodie ! En réalité je travaille régulièrement à découvrir des nouvelles matières sonores. Je combine une recherche dans la technique du jeu avec une recherche dans le traitement du son. Ce travail interactif me permet de définir des matières sonores avec lesquelles je compose comme un sculpteur qui se contraint mais aussi s'inspire par la matière qu'il utilise.

Si je joue seul, les techniques comme le E.Bow (archet électronique) ou le Wah-slide (pédale whawha et slide), ne peuvent être largement utilisées qu'en solisant sur un thème que j'ai d'abord bouclé sur une loop-pédal.

Mais le mieux pour comprendre à quoi sert tout ce bazar, c'est de voir et écouter mon show. Voilà !

Pulses-Arts - Ok, merci et à bientôt pour un autre sujet. Salut !